La Nasa confirme la présence de glace à la surface de la Lune, une potentielle "ressource pour les futures expéditions"

SCIENCE - Des chercheurs ont désormais la certitude que de l'eau glacée est présente à la surface de certaines régions de la lune. Mais pour savoir si elle est "potable", il faudra se rendre sur place, expliquent-ils. De quoi relancer un programme d'exploration lunaire ?
Il y a de l’eau gelée à la surface de la Lune ! Et pas seulement un peu, mais en quantités importantes. C’est maintenant une certitude. On savait, depuis déjà quelques années, que la molécule H2O occupait notamment le sous-sol de notre voisine. Mais une équipe d’astronomes de la Nasa a confirmé la présence d'eau gelée à la surface du satellite naturel de la Terre, près d'un demi-siècle après la mission Apollo.
Les résultats de ces travaux, publiés mardi 21 août dans la revue scientifique américaine Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), viennent s’ajouter à de précédentes études sur la présence d'eau sur la Lune. Selon les auteurs de l’étude, la glace se trouve en quantités importantes aux pôles nord et sud de la Lune, dans des cratères où les rayons du soleil ne pénètrent pas. La température n'y dépasse jamais environ -150 degrés Celsius.
C'est la première fois que des scientifiques obtiennent une preuve irréfutable de la présence d'eau glacée à la surfaceShuai Li, chercheur à l'Institut de géophysique et de planétologie d'Hawaï, l'auteur principal de l'étude
"Avec suffisamment de glace à la surface, sur quelques millimètres, l'eau pourrait peut-être devenir une ressource pour les futures expéditions d'exploration ou de séjour sur la Lune, potentiellement plus facile d'accès que l'eau détectée sous la surface lunaire", analyse la Nasa. L'équipe de scientifiques a repéré la signature d'eau gelée grâce à un instrument, envoyé en 2008 à bord de la sonde indienne Chandrayaan-1, chargé d’effectuer une analyse minéralogique approfondie de la surface lunaire.

L'appareil a pu mesurer directement la façon dont les molécules de glace absorbaient la lumière infrarouge. "C'est la première fois que des scientifiques obtiennent une preuve irréfutable de la présence d'eau glacée à la surface", a déclaré à l'AFP Shuai Li, de l'Institut de géophysique et de planétologie d'Hawaï.
La science avait d’abord conclu à une lune sèche
En effet, au début des années 70, les analyses faites des échantillons du sol et des roches lunaires ramenés par les douze astronautes d'Apollo lors de six missions (1969-1972) n'avaient pas révélé de présence d'eau. La science avait alors conclu que la Lune était sèche. Cette hypothèse avait été remise en cause après qu’une sonde de la Nasa eut détecté, au début des années 2000, d'importantes émanations d'hydrogène aux pôles lunaires, pouvant se traduire par la présence de glace.
Cette découverte avait alors conduit la Nasa à choisir le pôle sud pour la mission LCROSS (Lunar CRater Observation and Sensing Satellite), partant de l'hypothèse que les cratères extrêmement froids s'y trouvant pourraient contenir d'importantes quantités de glace. En 2008, des astronomes étaient parvenus à détecter des molécules d'eau à l'intérieur de magma ramené plusieurs décennies auparavant par des astronautes des missions Apollo, dans les années 1960. Puis, en 2017, sur la base de données satellitaires, une autre équipe avait pu démontrer que les sous-sols de la Lune étaient riches en eau.
La Nasa met de nouveau le cap sur la Lune
Selon Shuai Li, la seule manière de savoir si cette eau est exploitable pour l'homme est d'envoyer des robots afin de prélever des échantillons. Alors qu'on fêtera l'an prochain le cinquantenaire d’Apollo 11 et de la marche de Neil Armstrong sur la Lune, la Nasa prévoit justement de renvoyer des humains sur l'astre, pour la première fois depuis décembre 1972. Il semble peu probable que des humains foulent la poussière lunaire d'ici le 20 juillet 2019, mais ceux qui rêvent de revoir des astronautes en scaphandre bondissant dans le vide au-dessus d'un sol grisâtre avec un clair de Terre en toile de fond pourraient obtenir satisfaction dans le courant de la prochaine décennie.
Fin 2017, lors de sa première directive spatiale, Donald Trump a en effet ordonné à la Nasa de retourner sur la Lune. "Cette fois, nous ne nous contenterons pas d'y planter notre drapeau et d'y laisser nos empreintes, nous y établirons les fondations pour une éventuelle mission vers Mars et peut-être un jour vers de nombreux autres mondes", avait alors déclaré le président américain, qui a remis sur le devant de la scène l'idée d'une Space force. En mars dernier, l’Agence spatiale américaine a fourni une feuille de route dans laquelle sont notamment évoquées des missions robotiques, à vocation commerciale, dont le but, au-delà de l'exploration de la Lune, serait de montrer la voie pour l'exploitation de ses ressources.
Vers un nouveau programme d'exploration lunaire ?
Le président américain n’a cependant pas été très clair sur les moyens, même si le budget 2019, publié au mois de février, laisse théoriquement la possibilité à l'agence spatiale de lancer un programme d'exploration lunaire de 200 millions de dollars (162 millions d'euros), ce qui semble tout de même assez peu. Pour mémoire, le programme Apollo, certes gigantesque, avait coûté dans les 87 milliards d'euros actuels. Pour mener à bien ce projet, la NASA a déjà lancé un appel à idées auprès du secteur privé pour la construction d’atterrisseurs lunaires et espère avoir des modèles de taille moyenne (l'étape précédant les engins habités) opérationnels dès 2022. Pour Robert Lightfoot, administrateur provisoire de la Nasa, on pourrait voir des humains (pas seulement Américains) poser de nouveau le pied sur le sol lunaire "dans la dernière partie de la décennie" 2020.
Matthieu Delacharlery