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11 Jun

Ces jeunes Français qui investissent en Afrique

Publié par SAIDICUS LEBERGER  - Catégories :  #DOSSIERS

Les bureaux de Jumia Côte d'Ivoire Luc Gnago / Reuters
Les bureaux de Jumia Côte d'Ivoire Luc Gnago / Reuters

Les jeunes entrepreneurs français et diplômés d’écoles de commerce sont de plus en plus nombreux à miser sur ce qu’ils considèrent comme un continent d’avenir.

A 34 ans, Sacha Poignonnec et Jérémy Hodara sont à la tête de ce qui ressemble déjà à un empire. Leur société, Africa Internet Group (AIG), présente dans 26 pays et valorisée 1 milliard d’euros, a annoncé le 3 mars une levée de fonds de 300 millions d’euros. Parmi les investisseurs, le groupe Axa et Orange.

Il y a cinq ans, ces diplômés d’HEC et de l’EDHEC, employés chez Mckinsey, grosse compagnie de conseil en management , sont «chassés» par l’incubateur allemand Rocket Internet. Leurs compétences: l’énergie de la jeunesse, le goût des pays émergents et un certain flair. Ensemble, ils lancent AIG en janvier 2012.

Leur premier site d’e-commerce, une place de marché appelée Jumia, devance rapidement Amazon et Alibaba, les deux leaders mondiaux. Au Nigeria, les deux associés multiplient les innovations: Jovago, le Booking.com africain, Hellofood, l’appli de livraison de repas à domicile, Everjobs, qui propose des opportunités d’emploi et Vendito.com, l’équivalent du Bon Coin.

L'entrepôt de la société de vente en ligne Jumia, à Lagos © Joe Penney / Reuters

L'entrepôt de la société de vente en ligne Jumia, à Lagos © Joe Penney / Reuters

Jérémy Hodara a attrapé le virus des pays émergents en Malaisie lors d’un stage de sept mois chez L’Oréal.

Jérémy Hodara © Vincent Fournier / Jeune Afrique

Jérémy Hodara © Vincent Fournier / Jeune Afrique

«Tout est possible, ça va vite, ça bouge !», nous dit-il entre deux avions. «Dans la seule ville de Lagos, il y a 20 millions d’habitants et seulement deux vrais centres commerciaux. Et le pays compte plus d’internautes qu’en France!» Pas besoin d’études de marché pour comprendre le potentiel de la vente en ligne.

Principal problème: le transport. Qu’à cela ne tienne. Ils créent une société de logistique, AIGX, qui se développe maintenant dans toute l’Afrique.

Les écoles de commerce sur le pont

Campus de l'Essec à Rabat © DR

Campus de l'Essec à Rabat © DR

Voyant leurs jeunes diplômés gagnés par le virus africain, les grandes écoles de commerce s’intéressent de plus près au continent. En Côte d’Ivoire, l’Ecole des hautes études commerciales (HEC) a lancé un programme de de formation continue en «management d’une unité stratégique» , labellisé HEC, destiné aux cadres supérieurs ivoiriens. Et elle compte déjà pas loin d’une centaine d’anciens élèves.

L’autre grande business school française, l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec) n’est pas en reste. Dès la rentrée de septembre 2016, elle proposera de suivre son cursus à Rabat, au Maroc, pour préparer l’Essec Global BBA (Bachelor in Business Administration). Mais L’ambition de Thierry Sibieude ne s’arrête pas là. Le directeur du campus Afrique-Atlantique compte ouvrir une antenne à Dakar et une autre à Abidjan dans les cinq prochaines années. Une implantation Afrique-océan Indien ouvrira par ailleurs ses portes à l’île Maurice en 2017.

A lire aussi: Une prestigieuse école de commerce française en Afrique

«La question qui se pose aujourd’hui n’est pas de savoir s’il faut investir en Afrique, mais quand», résume Thierry Lacroix, le monsieur Afrique francophone du cabinet de conseil Deloitte.

Le Kenya, un eldorado trop souvent ignoré

Au Kenya, une poignée d’entrepreneurs français seulement ont posé leurs valises. «Il y a 3 500 sociétés françaises enregistrées en Tunisie et moins de 70 au Kenya, c’est pourtant une des grandes locomotives du marché africain», constate Boris Varnitzky. Cet ancien humanitaire s’est converti dans l’accompagnement de projets. Il a ainsi aidé le groupe Rio Tinto à gérer les conséquences migratoires et environnementales du «plus gros projet minier intégré au monde» sur le site de Simandou, en Guinée.

Site minier de Simandou, Guinée © Reuters

Site minier de Simandou, Guinée © Reuters

Sa petite société, Rwenzori Consulting propose d’accompagner les projets à forte intégration sociale et environnementale comme, dernièrement, des rizicultures irriguées en Tanzanie. Ses études d’impact aident les projets à être conformes aux standards internationaux notamment en matière de respect de l’environnement. «Le Kenya est un hotspot pour l’innovation et les start-up», constate Boris Varnistky.

Boris Varnitzky © DR

Boris Varnitzky © DR

«C’est dommage que les sociétés françaises soient si peu entreprenantes dans ce pays», déplore de son côté Julien Garcier, 39 ans. Ce père de 3 enfants, ancien consultant, a installé sa famille à Nairobi, d’où il dirige Sagacy Research, une société spécialisée dans les études de marché, qui compte 70 salariés répartis pour les trois quarts entre le Kenya, le Nigeria, la Côte d’Ivoire, l’Egypte et le Mozambique. Son associé portugais, João Terlica, gère l’Afrique lusophone, Mozambique et Angola, deux acteurs économiques importants sur le continent.

Julien Garcier et son associé Joao Terlica © DR

Julien Garcier et son associé Joao Terlica © DR

Son business: distribuer ses quelque 10 000 tablettes aux quatre coins de l’Afrique avec des questionnaires sur les habitudes de consommation des Africains. Des pépites d’informations pour les investisseurs de plus en plus nombreux. Ses 300 correspondants sillonnent le continent pour gérer les équipes. Les données ainsi collectées sur le terrain en temps réel (les tablettes sont géolocalisées) sont vendues à des opérateurs mobiles, des services financiers, des enseignes de grande consommation etc.

La cible: la classe moyenne. «Elle représente 15 à 30% de la population dans les grandes villes», explique Julien Garcier. En février 2016, Sagaci Research a publié son premier Index KFC - pour Kentucky Fried Chicken, la chaîne de fast-food la plus présente sur le continent. «Cela nous a permis de constater que de gros marchés comme l’Angola et le Nigeria avaient des monnaies surévaluées», explique Julien Garcier.

Des start-up basées en France investissent en Afrique

Parfois, le virus de l’Afrique passe par la région parisienne. Lemon Way est une «fintech» dans le jargon de la finance, une société qui utilise les technologies numériques pour proposer des solutions de paiement. Au départ, rien ne prédisposait l’entreprise à investir en Afrique, sauf que son siège social se trouve à Montreuil, surnommée «deuxième capitale du Mali». Les dirigeants de Lemon Way observent le développement du paiement par mobile dans le monde.

«En France, il y avait eu deux tentatives avec Kwixo lancé par le Crédit Agricole et Buyster par des opérateurs de téléphonie mobile, mais ça n’a pas marché. Au même moment, M-Pesa, au Kenya, a connu un gros succès», explique Damien Guermonprez, le directeur général. Un entrepreneur malien souvent croisé à Montreuil convainc les dirigeants de Lemon Way de lancer une enseigne de paiement mobile à Bamako. La société réussit à obtenir une licence auprès de la Banque internationale pour le Mali (BIM) et installe des petits kiosques verts un peu partout dans le pays.

Aujourd’hui, Lemon Way en compte des centaines et a enregistré près de 1 million de comptes, soit 1 Malien sur 15 ! Ancien DG de la Banque Accord (filiale du groupe Auchan), Damien Guermonprez vient du coup d’investir dans la start-up Pumpkin qui propose ce type de services d'échange monétaire en France et cible les 18-22 ans: «Sur ce marché, l’Afrique est précurseur et, pour nous, le Mali est un relais de croissance.»

Dans le même secteur, Orange Money a enregistré 14 millions de comptes dans une dizaine de pays. Lemon Way emploiera d’ici la fin 2016 plus d’une centaine de salariés grâce, notamment, à un investissement de Bpifrance, l’ex-Banque publique d’investissement. «La nouvelle économie va très vite et le paiement mobile en particulier progresse à une rapidité incroyable», conclut

Damien Guermonprez.

Paris Match

Tablette en Afrique

Tablette en Afrique

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